Marché

Taux d’usure mensuel au 1er février 2023 : une fausse bonne nouvelle

La Banque de France vient de prendre la décision de changer la périodicité de calcul du taux d’usure. Ainsi, entre le 1er février 2023 et le 1er juillet 2023, le taux sera calculé sur une base mensuelle et non, trimestrielle, comme ce fut le cas auparavant. Malheureusement, cette décision visant à débloquer le marché du crédit est loin d’être suffisante et a un train, voire deux, de retard. Voici pourquoi.

PETER JØRGENSEN
Chasseur immobilier
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Bref historique du taux d'usure depuis 2022

Le taux d’usure est un taux censé protéger les emprunteurs contre les taux excessifs qui peuvent être proposés par les banques. Même si ce mécanisme est en soi tout à fait légitime, son mode de calcul, qui fonctionne très bien en période de taux stables ou baissiers, est totalement incohérent en période de hausse des taux. N’hésitez pas à lire notre article expliquant en détail le fonctionnement du taux d’usure.

Or, depuis mars 2022, les taux passant de 1% à près de 3% aujourd’hui sur 25 ans, ont enregistré une hausse fulgurante. Depuis cette date, la Banque de France, qui décide du taux d’usure, n’a cessé de se voiler la face en expliquant qu’il n’y avait pas de problème de crédit en France et que le mode de calcul du taux d’usure ne devait en aucun cas changer. Ainsi, depuis l’été 2022, le relèvement trop limité du taux d’usure a été en partie la cause du blocage du crédit en France. Face à cette situation désastreuse pour le marché de l’immobilier, la Banque de France a été obligée de revoir sa position.

Ainsi, il a été décidé de changer le mode de calcul du taux d’usure de façon à le faire évoluer mensuellement, donc à un rythme plus cohérent par rapport à la hausse des taux, de façon que le taux d’usure conserve sa fonction première, celle de protéger sans pour autant freiner le crédit. Malheureusement, cette solution proposée par les courtiers et les professionnels de l’immobilier depuis l’été 2022 arrive trop tard car le mal est fait.

Le calcul mensuel du taux d'usure arrive trop tard

Pour illustrer nos propos, nous allons comparer la hausse des taux à un incendie. Ainsi, en mars 2022, l'incendie du crédit s'est déclaré en France. En juillet 2022, avec la hausse limitée du taux d'usure et la poursuite de la hausse très rapide des taux nominaux, la Banque de France a jeté de l'huile sur le feu en limitant la hausse du taux d’usure ce qui a abouti à un blocage du crédit immobilier en septembre 2022. En octobre 2022, elle a remis ça et s’en est suivie une nouvelle hausse limitée du taux d'usure donnant lieu à un second blocage du marché en décembre 2022. Ces coups de frein successifs ont eu pour effet de rarifier le nombre d’acquéreurs immobiliers et ce, de manière drastique. Maintenant que des hectares ont brulé et que l'incendie est quasi éteint, la Banque de France nous annonce qu'elle va changer son mode de calcul en passant d’un rythme trimestriel à mensuel pour éteindre l’incendie. Même si ce changement de méthode est une bonne nouvelle car il permettra une évolution plus cohérente du taux d’usure davantage alignée sur l’évolution des taux du marché, la décision arrive trop tard. Les taux se sont à présent envolés et de nombreux acquéreurs sont exclus du crédit. De plus, le marché s’est retourné poussant les prix à la baisse. Ainsi, les acquéreurs attendent maintenant que la baisse des prix se poursuive avant de prendre la décision d’acheter, ce qui est une spirale infernale.

Facteur bloquant - La périodicité évolue mais pas le mode de calcul

En effet, même si le taux d’usure est à présent calculé mensuellement, ce qui est plus cohérent, il n’en demeure pas moins le résultat d’un lissage des taux moyens des prêts accordés durant les 3 derniers mois. Le taux d’usure continuera donc à être décorrélé de la réalité des taux proposés par les banques au moment de la demande de prêt des emprunteurs puisque nous sommes encore en période de hausse des taux. Comme les banques prêtent très peu et uniquement aux profils les plus intéressants, les taux réellement accordés sont donc inférieurs aux taux qui seraient accordés à des clients plus « classiques ». Le taux d’usure qui sera proposé au mois de février 2023 restera donc toujours inférieur à la réalité du marché du crédit.

Les banques répercutent trop vite la hausse du taux d'usure sur les taux nominaux

Les taux vont continuer d’augmenter, tendance qui se devrait se poursuivre au moins jusqu’en juillet pour, nous l’espérons, se stabiliser, voire baisser, au second semestre de 2023 du fait d’une baisse probable de l’inflation. Ainsi, nous estimons que les taux nominaux vont continuer à augmenter jusqu’à 3.5 % à 4 %. Comme les banques revoient généralement à la hausse leurs taux en début de mois, dès que le taux d’usure augmentera, les taux nominaux augmenteront dans la foulée annulant ainsi l’effet de la hausse du taux d’usure. Seuls les premiers jours du mois seront donc une fenêtre pour les emprunteurs pour ne pas dépasser le taux d’usure ce qui est toutefois un progrès car auparavant, il fallait attendre 2 mois. Bilan, même avec une mise à jour mensuelle du taux d’usure, son effet ne sera chaque mois que de courte durée.

La bonne nouvelle potentielle d'une stabilisation des taux après juillet 2023

Le changement de périodicité de calcul du taux d’usure jusqu’en juillet 2023 laisse sous-entendre que la Banque de France estime que les taux vont potentiellement baisser à partir de juillet 2023, et nous le pensons également. En effet, en cas de stabilisation ou de baisse des taux, l’écart entre le taux d’usure et les taux nominaux devraient augmenter de nouveau ce qui permettra d’éviter que le taux d’usure soit un frein à l’obtention d’un prêt. Ainsi, nous espérons que le marché repartira sur une bonne dynamique et que les banques recommenceront à prêter dans des conditions normales.

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Quel impact sur le marché de l'immobilier en France

Depuis l’été dernier, la demande s’est asséchée en grande partie en raison de ce mécanisme du taux d’usure. L’effet se fait déjà ressentir avec une baisse quasi généralisée des prix de l’immobilier résidentiel dans toute la France et avec un allongement des durées de vente.

Le problème de la baisse des prix est son effet pervers. En effet, lorsque les prix baissent, les acquéreurs pensent, ce qui est parfaitement humain, qu’il est judicieux d’attendre pour acheter leur futur bien moins cher. L’effet est donc une raréfaction de la demande et donc un cercle vicieux de baisse des prix. Nous pourrions dire que cette situation permettra d’assainir le marché dont les prix sont stratosphériques, mais il n’en est rien.

Même si les prix baissent pendant quelques mois, pendant ce temps, les taux continuent d’augmenter. Cet effet ciseau ne fera rien gagner aux futurs acquéreurs, notamment aux secondo accédants, puisque leur bien servant d’apport aura perdu de sa valeur et leur taux d’emprunt aura augmenté.

Si le nombre de transactions baisse, une grande partie de l’économie sera impactée, et même l’État sera perdant. En effet, le monde de l’immobilier touche le marché de la construction, des artisans, des professionnels de la transaction immobilière, des notaires… Ces marchés représentent des milliards d’euros et donc des collectes de TVA importantes !

Enfin, l’État et les collectivités locales seront également fortement impactés, car les droits de mutation représentent une part très importante de leurs entrées financières. Une baisse des transactions leur fera donc perdre beaucoup d’argent.

Cas particulier du marché de l'immobilier à Paris

Le changement de méthode pourra en revanche avoir un effet plus positif à Paris qu’en région, notamment pour les appartements familiaux, et ce pour les raisons suivantes.

Les prix de l’immobilier à Paris sont très élevés et nécessitent de disposer d’un salaire élevé. Ainsi, la plupart des acquéreurs parisiens sont souvent des personnes au salaire élevé ayant obtenu leur poste après de nombreuses années de travail. C’est pourquoi l’âge médian des acquéreurs parisiens est de 40 ans. Toutefois, c’est à partir de cet âge que le taux d’assurance commence à augmenter et à impacter ainsi le TAEG qui ne doit pas dépasser le taux d’usure. Ainsi, durant toute la période de juillet à décembre 2022, de très nombreux prêt étaient refusés en raison du niveau trop faible du taux d’usure. Le changement de méthode, même relatif, comme expliqué précédemment, permettra à un nombre plus élevé d’acquéreurs bloqués par le taux d’usure, à reprendre leur projet d’acquisition.

Pour ce qui est des taux malgré la forte augmentation, ceux-ci restent à un niveau encore relativement bas et inférieur à l’inflation. Le reste à vivre des Parisiens étant souvent important, bien que la hausse des taux réduise mécaniquement leur pouvoir d’achat immobilier, le risque que les banques empêchent les acquéreurs parisiens d’emprunter sera plus limité qu’en région. En revanche, les jeunes, moins impactés par le taux d’usure du fait d’une assurance souvent moins chère, seront davantage impactés par la hausse des taux et devront augmenter leur apport.

Ainsi, il est possible que le marché reprenne un peu de couleurs d’ici juin 2023 à Paris notamment celui d’appartements familiaux. Mais ne nous méprenons pas. Cette reprise sera limitée car les acquéreurs ont maintenant en tête que les prix vont baisser à Paris ce qui n’est pas totalement vrai comme nous l’expliquons dans nos perspectives d’évolution du marché de l’immobilier à Paris en 2023. Beaucoup d’entre eux attendent donc avant d’acheter ce qui limite la reprise.

Nos conseils si vous souhaitez acheter un bien immobilier actuellement

Si vous êtes un secondo accédant, commencez par faire estimer le prix de vente de votre bien. Si vous comptez acheter avant de vendre, ne prenez surtout pas comme référence l’estimation la plus élevée. Une surévaluation de votre bien vous ferait prendre des risques. Cette estimation servira à votre banquier pour estimer le montant du prêt-relais.

Ensuite, avant même de regarder les annonces immobilières, rapprochez-vous de votre banquier. Faites-lui faire une simulation au regard de votre apport. Comparez le taux qu’il vous propose en regardant les taux du moment sur des sites de courtiers en ligne. Si ce taux est comparable aux taux actuellement pratiqués sur le marché, demandez-lui de la refaire. Pourquoi ? Si vous êtes au début de votre recherche, il est fort probable que vous ne trouviez votre bien que dans deux ou trois mois. D’ici trois mois, les taux auront certainement encore augmenté et si votre taux d’endettement était proche de 35 %, vous risquez de ne plus avoir les moyens de vous acheter le bien pour lequel vous avez fait une offre. Nous vous conseillons donc de refaire la simulation avec au moins 0.20% de plus par rapport au taux nominal proposé. N’oubliez surtout pas de demander à votre banquier une simulation écrite. Elle vous sera fort utile pour prouver votre solvabilité à votre futur vendeur et ainsi optimiser votre négociation.

Si vous procédez de cette manière, vous réduirez considérablement le risque d’avoir une mauvaise surprise le jour où vous trouverez le bien de vos rêves.

Notre dernier conseil, est d’acheter le plus vite possible surtout si vous êtes un secondo accédant. Dans le cas contraire, vous risquez de perdre à la fois sur la vente de votre bien si le marché baisse et sur la hausse des taux car ces derniers n’ont pas encore atteint leur point le plus haut.

Questions régulièrement posées sur le taux d'usure

Comment ne pas dépasser le taux d'usure ?

Différentes solutions s'offrent à vous comme emprunter à taux variables, négocier votre assurance de prêt, faire jouer la concurrence sur le niveau du taux nominal, négocier les frais de dossier.

Quelle est la différence entre le taux d'usure et le taux d'endettement ?

Le taux d'endettement correspond à la part que représente votre emprunt par rapport à vos revenus. Il ne doit pas dépasser 35%. Le taux d'usure est le taux maximum auquel les banques sont dans l'interdiction de prêter à un futur emprunteur.

Quel taux ne doit pas dépasser le taux d'usure ?

Le TAEG (taux annuel effectif global) est le taux qui ne doit pas dépasser le taux d'usure. Ce taux est la somme du taux nominal, de l'assurance, des frais de dossier, des frais de courtage...

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