Quelle hausse des taux depuis le début de l'année 2023 ?
Depuis plus de 10 ans, les taux d’emprunt immobilier n’ont cessé de baisser en France pour atteindre des niveaux historiquement bas (autour de 1 % depuis 2019 sur 20 ans jusqu’à la fin de l’année 2021). Mais depuis le début de l’année 2022, cette période est révolue ! Nous vivons la fin des taux bas qui ne cessent d’augmenter pour atteindre près de 3.20 % sur 25 ans en mars 2023. En effet, la croissance économique liée à la fin de la crise mondiale du Covid couplée depuis février 2022 à la guerre en Ukraine, ont mis un coup d’arrêt à cette période magique d’emprunt « presque » gratuit.

Il est aussi important de savoir que la hausse de l’inflation est souvent corrélée avec la hausse des taux d’emprunt immobilier. Malheureusement, la hausse des matières premières, ainsi que la pénurie de produits liée à la croissance, ont fait grimper en quelques mois, et ce, de façon vertigineuse, l’inflation. Même si nous sommes loin du plus haut niveau d'inflation que nous avons connue (comme illustrée sur le graphique ci-dessous), elle atteint en 2022 un des niveaux que nous n’avons pas connus depuis 1985 ! Malheureusement, pour le moment, cette inflation ne semble pas ralentir et atteint à fin février 6.2 % en France.

Enfin, le taux de l’OAT 10 ans (qui sert de référence aux banques pour proposer les taux immobiliers à leurs clients), est resté entre 2019 et 2021 à des niveaux négatifs ou flirtant avec 0 %. Mais depuis 2022, ce taux n'a cessé d'augmenter pour atteindre 3.21 % le 1er mars 2023 !

Tous les indicateurs sont donc au rouge pour voir les taux d’emprunt immobilier continuer d’augmenter. Reste à savoir dans quelles proportions ?
Constat, perspectives et impact de la hausse des taux d'emprunt ?
- Il est aujourd’hui très difficile, même pour les économistes les plus chevronnés, d’estimer jusqu’où ira la hausse de l’inflation et la hausse des taux. Ce qui est sûr, c’est que la BCE n'a pas, pour le moment, prévu de baisser ses taux en 2023 et a annoncé une hausse de 0,5 point de pourcentage pour mars 2023. Toutefois, le marché s'interroge encore sur l’évolution du resserrement monétaire, dont l'ampleur reste inconnue. Selon nos prévisions, les taux nominaux sur 25 ans pourraient atteindre 3.5% à 4% d'ici la fin 2023. Ainsi, sur un emprunt de 1 000 000€, l’écart sera équivalent à environ une baisse de pouvoir d’achat immobilier de près de 90000€ soit à l’échelle des prix parisiens, l’équivalent d’une chambre en moins !
- Notons toutefois que malgré la hausse des taux qui n’en finit pas, les taux nominaux restent à un niveau inférieur à l'inflation ce qui est un atout pour les acquéreurs immobiliers qui ont toujours intérêt d’emprunter.
- Les banques ont certes remonté leurs taux, mais dans une moindre mesure que la hausse observée de l’OAT. Deux raisons expliquent cette situation. La première est le taux d’usure qui limite automatiquement la hausse des taux des banques. Pour rappel, le taux d’usure correspond au taux maximum auquel une banque peut vous prêter tous frais inclus. Ce taux est imposé par l’état. La deuxième est que d'un point de vue commercial, toutes les banques n'impactent pas la hausse de l'OAT pour continuer à capter de nouveaux clients et rester compétitives.
- Pour compenser cette hausse de taux et limiter leurs dépenses mensuelles en crédit immobilier, les emprunteurs ont sensiblement augmenté la durée de leur prêt. Ainsi, selon l’Observatoire Crédit Logement, la part des emprunts de 20 à 25 ans est passée de 56 % en 2021 à 66.6 % en janvier 2023. Mais ce levier pour les acquéreurs aura ses limites si les taux continuent de monter trop fortement.
- La conséquence la plus grave en matière de taux en 2023 est surtout la vitesse à laquelle augmentent ces taux par rapport à la baisse des prix de l’immobilier à Paris. En effet, la hausse des taux est beaucoup plus rapide que la baisse des prix. En effet, la décision pour un vendeur de baisser son prix est souvent lente. Il lui faut souvent du temps pour s’habituer à de nouvelles conditions de marché. Ces deux facteurs n’évoluant pas à la même vitesse (taux et prix), le nombre potentiel d’acquéreurs en capacité d’acheter un bien répondant à leurs attentes, risque de se rarifier et donc faire baisser le nombre de transactions à Paris.
À la lecture de ces éléments, j‘entends déjà les acquéreurs de biens immobiliers à Paris se dire qu’il va y avoir un krach immobilier à Paris et qu’il vaut mieux attendre avant d’acheter. Je vais vous décevoir, mais un effondrement des prix à Paris est loin d’arriver comme nous l’expliquons dans notre article sur les risques de l’éclatement d’une bulle immobilière à Paris. En revanche, les prix risquent d’évoluer à la baisse pour certains produits et à la hausse pour d’autres.
Pourquoi une hausse des taux crée un marché à 2 vitesses à Paris ?
Même si jusqu’en 2022, il n’y avait pas réellement de corrélation entre la hausse des taux et la baisse des prix de l’immobilier à Paris, le niveau de taux que nous risquons d’atteindre en 2023, autour de 4 %, risque finalement d’avoir raison du marché et aura un impact sur les prix. Mais tous les quartiers et les types de biens ne seront pas touchés de la même manière.
Les prix des produits haut de gamme vont continuer à voir leur prix augmenter ou, au mieux, se stabiliser. La plupart des acquéreurs de produits de prestige ont des capacités financières qui ne les empêchent pas d’emprunter. En effet, la clientèle haut de gamme a très souvent un apport conséquent et des revenus qui intéressent beaucoup les banques. Ces mêmes acquéreurs sont même très souvent capables de faire des offres sans condition suspensive d’obtention de prêt ce qui n’est donc pas un facteur de blocage à l’acquisition. S’ajoutent à cette clientèle française les acquéreurs étrangers comme les Américains qui sont actuellement très actifs pour faire des acquisitions de biens à Paris. La demande étant donc encore assez forte sur ce type de produits, les prix de ces biens ne baisseront pas, voire augmenteront, notamment ceux des produits sans défauts et situés dans les quartiers les plus prestigieux de la capitale.
Les prix des produits à défauts ou dans les secteurs les moins recherchés de Paris vont baisser en 2023. En effet, ces produits sont recherchés par des acquéreurs au pouvoir d’achat plus limité qui font très souvent appel à l’emprunt pour acheter. Ainsi la hausse des taux les impacte directement. La raréfaction du nombre d’acquéreurs pour les biens à défauts ou situés dans des secteurs moins recherchés aura donc pour effet une augmentation des durées de commercialisation de ce type de biens ce qui poussera les vendeurs à baisser leur prix pour vendre dans des délais raisonnables.
Avec ce marché à deux vitesses qui fonctionne à contre-courant, nous estimons que les prix vont globalement baisser à Paris mais ne vont pas s’effondrer en 2023.